Désenclaver le nord du Lot

La déclaration d’utilité publique (DUP) de la Voie d’avenir qui avait été prononcée en 2016 est annulée, suite à la décision du tribunal administratif de Toulouse rendue le 30 mars 2018. Les conseillers départementaux réunis ce lundi 9 avril déplorent cette issue, qui réduit à néant plusieurs années de travail et d’engagement en faveur d’une desserte plus performante et plus sûre de tout le nord du Lot.

Les élus décident de ne pas faire appel de ce jugement mais n’abandonnent pas pour autant l’ambition d’une meilleure desserte du nord du Lot : « Le travail sera poursuivi en concertation avec toutes les parties prenantes afin d’améliorer la solution, en privilégiant notamment le réaménagement d’itinéraires existants. Ces dernières années, le Département du Lot a d’ailleurs poursuivi ses investissements pour améliorer la liaison : déviation de Puybrun, aménagement à Saint-Michel-de-Bannières, déviation de Vayrac en préparation… Toutes ces opérations ont fait l’objet de déclarations d’utilité publique ; on comprendrait difficilement que l’aménagement des derniers kilomètres, avant le raccordement à l’autoroute, ne relève pas de la même utilité. Le projet de « Voie d’avenir », inscrit de longue date parmi les priorités du programme d’investissement routier du Département, consiste à désenclaver le nord du Lot en reliant le bassin de Saint-Céré – Bretenoux – Biars – Beaulieu à l’autoroute. Le projet rejeté par le tribunal avait été engagé en 2008 en partenariat avec le Département limitrophe, la Corrèze. Après une méthode participative exemplaire (comité de suivi, réunions publiques, registres dans les mairies), le tracé nommé T3 via Martel avait été identifié comme étant celui qui répondait le mieux aux objectifs de sécurité et de fluidité recherchés, tout en étant celui dont le coût d’investissement, estimé à 56 millions d’euros, était le moins important et dont l’impact environnemental était également le plus faible. Aujourd’hui, le bilan coût / avantage est considéré comme insuffisant pour justifier l’utilité publique du projet. Certes il existe déjà plusieurs itinéraires pour relier le bassin d’activités de Biars-Bretenoux-Saint Céré à l’autoroute A20, et leurs difficultés telles la côte des Mathieux, la côte de Turenne, ou la traversée de bourgs comme ceux de Martel, de Saint Denis-Lès-Martel, de Condat ou des Quatre-Routes-du-Lot, peuvent être regardées comme « inconvénients mineurs » au regard d’un tel investissement. Mais sur l’ensemble de ces bourgs, ce sont près de 4 000 habitants qui voient quotidiennement passer 500 poids lourds le long de trottoirs souvent à peine large d’un mètre. Le juge n’a donc pas reconnu la gêne et l’insécurité quotidiennes pour les habitants des sites traversés par la cohorte des poids lourds, un trafic nécessaire à la vitalité économique du secteur. Il n’a pas relevé non plus qu’une opération d’investissement routier se construit en plusieurs années, son montant se répartissant sur plusieurs exercices budgétaires. C’est pourtant de cette façon que le Département du Lot a déjà réalisé la déviation de Figeac, commencée en 2006 et mise en service en 2013, pour un montant total de 43 millions d’euros. »

Véronique Chassain, vice-présidente du Département du Lot. Lors de la séance du conseil départemental de ce 9 avril, Véronique Chassain est devenue vice-présidente du Département du Lot en charge du logement, de l’urbanisme et de l’aménagement de l’espace. Conseillère départementale du canton de Puy-L’Evêque, elle succède à Marie-France Colomb qui a choisi de démissionner de son poste de vice-présidente mais reste conseillère départementale du canton de Figeac 1.

Medialot


La Dépêche

L’Arrêté préfectoral du 15 juillet 2016 par lequel le préfet du Lot avait déclaré d’utilité publique le projet « Voie d’Avenir » a été annulé par le tribunal administratif de Toulouse. Le conseil départemental a décidé de se « remettre au travail » pour imaginer divers aménagements au tracé envisagé (le T3) et « ne fera pas appel ».

Après leur recours auprès de la préfecture, la commune de Strenquels, l’association de sauvegarde et de mise en valeur de la vallée de la Doue, du Vignon, de leurs causses et coteaux » ainsi que 88 particuliers se sont tournés vers le tribunal administratif pour finalement obtenir gain de cause.

Les arguments du tribunal administratif

Dans ses conclusions, le tribunal administratif estime que «l’objectif principal de rapprocher l’autoroute du bassin de Bretenoux/Biars-sur-Cère par le Nord ne peut être regardé comme atteint » (allongement de distance, gain de temps modeste).

De l’enquête publique, il retient, entre autres, qu’elle n’a « pas permis de mettre à jour une attente des usagers potentiels » et estime que « des interdictions de transit des poids lourds par les bourgs seraient seules à même de permettre une fluidification du trafic sur la RD 720 ».

Côté sécurité routière, le tribunal indique que la dangerosité des infrastructures existantes n’est pas démontrée, et que l’effet positif sur la sécurité routière espéré par le Département n’est pas garanti non plus.

Pour l’environnement, le tribunal reconnaît que « des mesures sont envisagées pour limiter ou compenser les effets du projet sur les fonctionnalités écologiques, la biodiversité et les biotopes ». Cependant ces mesures sont visiblement insuffisantes, puisqu’il n’est « pas démontré que la reconstitution des habitats palustres et la transplantation de pieds de trèfles maritimes permettraient réellement de compenser la destruction des milieux d’origine ».

Enfin le tribunal considère que « l’attrait touristique du Nord du Lot » réside « principalement dans la qualité de ses paysages et la préservation de son patrimoine vernaculaire architectural », et que le projet n’affiche pas une amélioration de l’accès à des itinéraires touristiques définis, ni une mise en valeur du patrimoine local.

Frustration et changement de ton au conseil départemental

Amenée par Christian Delrieu, le conseiller départemental de Martel, l’affaire n’a pas manqué d’animer le débat hier, au sein d’une assemblée qui ne cache pas « frustration » et où l’agacement est clairement perceptible. Officiellement, le Conseil départemental « déplore » la décision, se « remet au travail » et ne fera « pas appel ». Mais le discours est plus dur, les mots plus fermes.

Nicole Polo n’en revient pas : un « choix politique remis en cause par le tribunal administratif », elle ne digère pas. Serge Bladinières va aussi dans ce sens. « Frustré » par ce « gâchis », il espère que le législateur jouera un rôle, car à ce jour, « la seule espèce qui ne soit pas protégée, c’est l’homme (en l’occurrence les 5 000 riverains qui voient passer 500 poids lourds chaque jour devant leur porte) ».

« On se sert des oiseaux, des papillons et même du trèfle pour contester la DUP » renchérit Christian Delrieu. Gilles Liébus se chargera de compléter sa pensée : bien sûr que le président de Cauvaldor est signataire de la motion départementale, mais il en a assez des  »écolos-bobos » qui veulent « mettre notre territoire sous cloche » quand le Lot a « besoin d’une politique offensive » pour inverser la courbe de la démographie ou lutter contre les fermetures d’écoles. Il veut « durcir le ton » (et il a déjà ouvert le bal), il veut que le conseil départemental affiche clairement ses positions, car quand « les voies vertes sont plus importantes que les voies ferrées, il faut le dire ».

Catherine Marlas calme le jeu, refusant « d’opposer l’humain à la flore et la faune », le Lot étant assez vaste pour les uns et les autres. Tout le monde est d’accord, même Gilles Liébus : seuls « les extrémistes de l’environnement » sont dans son collimateur. Lui-même entend défendre l’environnement… à condition que ce soit « l’humain dans son environnement ».

Le conseil départemental va maintenant se remettre sur le dossier et « formulera rapidement de nouvelles propositions ».« Non nous n’abandonnons pas le nord ».

La motion du conseil départemental

Bien que le sujet n’ait pas été à l’ordre du jour, la voie d’avenir a été largement évoquée par le conseil départemental, réuni hier en séance publique.

Tous  «déplorent» cette issue malheureuse pour le nord du Lot, qui «réduit à néant plusieurs années de travail et d’engagement en faveur d’une desserte plus performante et plus sûre de tout le nord du Lot». Cependant  la collectivité indique qu’elle ne «fera pas appel de cette décision».

Pas question pour autant d’abandonner le nord du département et l’ambition de le désenclaver. «Le travail sera poursuivi en concertation avec toutes les parties prenantes afin d’améliorer la solution, en privilégiant notamment le réaménagement d’itinéraires existants» indique le président Serge Rigal.

Et il continue à marteler les atouts du tracé T3, «identifié comme étant celui qui répondait le mieux aux objectifs de sécurité et de fluidité recherchés, tout en étant celui dont l’investissement était le moins important (estimé à 56 millions d’€) et dont l’impact environnemental était également le plus faible».

Le président regrette que «le juge n’ait pas reconnu la gêne et l’insécurité quotidiennes pour les habitants des sites traversés par la cohorte des poids lourds, un trafic nécessaire à la vitalité économique du secteur. Il n’a pas relevé non plus qu’une opération d’investissement routier se construit en plusieurs années, son montant se répartissant sur plusieurs exercices budgétaires. C’est pourtant de cette façon que le Département du Lot a déjà réalisé la déviation de Figeac, commencée en 2006 et mise en service en 2013, pour un montant total de 43 millions d’euros».

Les déviations font-elles monter ou baisser le taux de CO2 ?

Le Nord du Lot est-il oublié par le Conseil Départemental?

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