Insolite. Il a fait d’un moulin en ruine un coin de paradis, à Lamothe-Fénelon, dans le Lot

En 2012, lorsqu’Yves et Michèle Chaboche achètent le moulin d’Escalmeilles, à Lamothe-Fénelon, personne n’en voulait… Et qui aurait pu imaginer, qu’un jour, un professionnel de la restauration de bâtiments historiques, à la retraite, allait réenchanter le lieu ?

Ancien chef d’une importante entreprise agréée Monuments historiques, dans le Perche, Yves Chaboche a été ensuite maître d’œuvre en restauration de monuments historiques.

Au nombre de ses multiples interventions : la restauration de manoirs, églises, châteaux et autres monuments auxquels il saura rendre la splendeur originelle.

Apprendre à construire en faisant de la démolition

Fils de paysan, Yves Chaboche n’a pas cherché à s’investir dans l’agriculture ; il opte pour les métiers du bâtiment et du terrassement. Dans l’Orne (61), en la ville de L’Aigle, tandis qu’il procède à la démolition d’un ancien couvent, survient une péripétie.

« Au fur et à mesure que je progressais du haut de mon engin, les murs s’effondraient, quand tout d’un coup, j’aperçois une sorte de cœur en plomb dégringoler au milieu des pierres… J’arrête les moteurs et je préviens le chef de chantier… Le lendemain je vois arriver des religieuses en procession, venir chercher leur précieuse relique » indique-t-il, avant d’ajouter : « Je ne saurai dire pourquoi, mais cet épisode m’a marqué ».

Les années de travaux de démolition, seront pour Yves Chaboche, sa première école d’architecture et de maçonnerie. « J’ai beaucoup appris en matière d’architecture à chaque fois que je procédais à la démolition de bâtiments » insiste-t-il. En même temps, Yves Chaboche se passionne pour la récupération des matériaux : tuiles, charpentes, menuiseries, pierres, carrelages…

« La confrontation au temps, au labeur, à la difficulté et le peu de moyens disponibles dont disposaient nos aïeux, m’ont fait prendre conscience de tout ce qu’il faut conjuguer pour construire quelque chose de beau » observe-t-il. Il poursuit : « Ainsi s’est forgé en moi, l’amour du beau, la passion de bien faire et peut-être aussi, une part d’utopie… »

Yves Chaboche explique son travail de restauration du site du moulin d’Escalmeilles, en mettant l’accent sur le « respect de l’architecture au regard des multiples apports de l’histoire » et son bonheur de valoriser des lieux oubliés ; sublimer les outrages du temps

Vraisemblablement occupé par les Romains, le site du moulin d’Escalmeilles, sur les rives de la rivière Tournefeuille, jouit d’une configuration des lieux permettant de bénéficier d’un maximum de chutes d’eau sur une courte longueur, avec une pente de l’ordre de 4,2 %, sans être inondable.

Les fondations du moulin remonteraient au XIVe siècle. Construit en même temps que le village de Lamothe-Fénelon, le moulin permettait à la population de se nourrir. Un siècle plus tard, le bâtiment est incendié et restera à l’abandon pendant près d’un siècle, au point que des arbres ont poussé à l’intérieur des bâtiments… « En maints endroits j’ai retrouvé des racines » observe Yves Chaboche. Dans les années 1760, le moulin est racheté et remis en état. Il fait alors l’objet de maints ajouts et améliorations.

« Lors de mes travaux de restauration, j’ai pu lire dans les murs les emplacements des ouvertures et des planchers à différentes époques et me rendre compte de l’existence de bâtiments tout autour, à caractère agricole » précise-t-il. Le moulin sera à nouveau habité peu après la guerre de 14/18, avant d’être à nouveau laissé à l’abandon lors de la Deuxième guerre mondiale. Seule la meunerie fait l’objet d’une exploitation, jusqu’en 2003. « Il était temps que ça s’arrête, car les murs menaçaient de s’effondrer en raison des vibrations des machines » relève Yves Chaboche.

À présent, la restauration du site se termine avec les petits bâtiments agricoles attenants. Il apparaît en effet que le meunier ne vivait pas que de sa meunerie, d’autant que le ruisseau n’offrait une capacité de fonctionnement du moulin guère supérieure à six mois par an. Le meunier s’adonnait donc aux travaux de la ferme élevant quelques vaches, poules et cochons… « J’ai retrouvé à ce sujet les fondations de ces bâtiments agricoles, lesquels ont disparu, il y a belle lurette » explique-t-il.

Et à la question : comment avez-vous procédé pour faire de ce moulin abandonné, un coin de paradis, Yves Chaboche répond, comme si tout allait de soi : « Tout simplement, j’ai remonté les murs ! »

JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE

Actu Lot